Texte de Christiane Laforge
lu à la présentation de Michel Dumont
au Gala de l'Ordre du Bleuet, le 7 juin 2014

Lorsque la voix de cet homme plus grand que nature s’empare de l’espace, tous les personnages qu’il crée se surpassent en intensité, comme s’il s’appropriait l’esprit de leur auteur. Que ce soit le jeune Biff d’Arthur Miller, Henri de Jean-Rock Gaudreault, Gilbert de Luc Dionne, Zachary de Boyer et D’Astous, ils ont été plus de 100 hommes à prendre vie sous les traits, chaque fois remarquables, de Michel Dumont. Son secret? Une passion alimentée par cet amour essentiel qu’il réclame de lui comme de son public, une projection de ses émotions, de ses sentiments, conférant à ses personnages une fascinante authenticité, une humilité dans le doute et l’angoisse qui lui permet de comprendre, d’accepter et de révéler la grandeur des êtres imparfaits qu’il incarne. N’en doutons pas, le 21 janvier 1941, l’Esprit du fjord a frappé fort sur Kénogami alors que lançait son premier cri le fils Dumont, seul artiste d’une fratrie de 9 enfants.

C’est au cours classique que son professeur, Germain Dumas, lui fait découvrir l’œuvre d’Edmond Rostand. Pour lui, ce n’est rien de moins qu’une révélation. Plus avisé que la belle Roxane, le jeune Michel est séduit par Cyrano. «J'ai dix cœurs; j'ai vingt bras; il ne peut me suffire de pourfendre des nains... Il me faut des géants!» lance le héros de Rostand. Des géants, le comédien en a connu plus d’un.

Son plaisir de la scène s’échauffe grâce au théâtre La Marmite qui bat au rythme ascendant des Ghislain Bouchard, Renald Tremblay, Laurent Bouchard. Le meilleur des deux mondes pour le Bachelier en Lettres de l’Université de Montréal qui enseigne au Collège de Jonquière. Mais le destin lui montre d’autres horizons. À peine le temps de figurer sur la liste des enseignants au Cégep du Vieux Montréal, qu’il se retrouve happé par un trident. En 1969, le Théâtre de l'Estoc, le Théâtre du Vieux-Québec et le Théâtre pour Enfants de Québec fusionnent pour devenir Le Trident. C’est là qu’en 1971, jouant sous la direction de Paul Hébert dans Charbonneau et le chef, Michel Dumont rencontre un géant, le regretté Jean Duceppe.

Le jeune trentenaire amorce sa carrière sur deux fronts. Bien que le théâtre demeure le lieu de prédilection pour ressentir l’amour du public, la télévision est un incontournable pour un comédien québécois vivant de son art. De 1972 à 1975, Fantoche donne la réplique à Picotine avant de se glisser dans la peau de personnages tourmentés qu’il défendra avec panache : Alain Robert dans Monsieur le Ministre, Dr Yves Perras dans Urgence, Capitaine Lambert dans Providence. Sans oublier Gilbert Tanguay dans Omertà, la loi du silence, Maurice St-Jean dans Bunker, le cirque ou Zachary Harrisson dans Yamaska pour lesquels il reçoit les prix Gémaux de la meilleure interprétation dans un rôle de soutien en 1998, 2003 et 2013.

Animateur à la télévision, chroniqueur pour la Bande à Manon et Les idées Claire à la radio, il est doubleur de films et de séries. En 1988, il devient la voix de l’Esprit du fjord de la Fabuleuse histoire d’un royaume. Il joue dans une dizaine de téléthéâtres ainsi qu’au cinéma : Cargo, Laura Cadieux… la suite, Café de flore, Omertà. Metteur en scène, coauteur de quelques séries pour enfants, il est traducteur de pièces célèbres, seul et en collaboration avec Marc Grégoire dont Le pont de Trevor Fergusson publié aux Éditions de la Pleine lune en 2006. En publicité, il se fait porte-parole de Placement-Québec. Et pour occuper son temps, ce lecteur boulimique, féru de mots croisés, amoureux des chats et plus encore de Manon Bellemarre sa compagne depuis plus de 30 ans, devient un porte-parole de la Société Alzheimer.

Le théâtre demeure cependant son lieu de prédilection. La magie du théâtre c'est l'infinie possibilité de recréer une œuvre, dit-il. À la regarder, à la jouer, une pièce provoque de nouvelles surprises. Le metteur en scène façonne la pièce à sa manière. Mais l'interprète, lui, il s'incarne dans le personnage. «C’est toujours une partie de soi qui est livrée au public, poursuit-il. On y passe beaucoup de nos douleurs, de nos peines, de nos agressivités, de nos violences, de nos tendresses.»

Il a campé les personnages d’auteurs aussi prestigieux que Tennessee Williams, Arthur Miller, Shakespeare, Samuel Beckett, John Thomas McDonough, John Steinbeck, George Bernard Shaw, Anton Tchekhov, ainsi que ceux de ses contemporains Stéphane Brulotte, Antoine Rault et Jean-Rock Gaudreault. De ce dernier, le comédien a tenu son rôle le plus récent dans La Traversée de la mer intérieure créée au Théâtre Jean-Duceppe dont il assure la direction artistique depuis 1990.

Fascinant parcours que celui-ci. En 1973, Jean Duceppe fonde sa propre compagnie et confie à son jeune partenaire du Trident le rôle de Biff, fils de Willy Loman qu’il incarne dans La mort d’un commis voyageur. Bien que Michel Dumont joue sur les scènes des théâtres du Rideau Vert, Beaumont/St-Michel, Le Capricorne ou le Patriote de Sainte-Agathe, c’est à la compagnie Jean-Duceppe qu’il se produit le plus souvent. Un lien étroit s’instaure entre le Saguenéen et son mentor. Plus amical que filial croit-il, et pourtant, à la mort de Jean Duceppe survenue en 1990, c’est à Michel Dumont que sa fille Louise, directrice générale, propose la direction artistique de la compagnie de son père. Direction qu’il assume depuis.

Reçu Docteur honoris causa de l’Université du Québec à Chicoutimi en 2001, honoré en janvier 2010 par l’Assemblée nationale du Québec pour son engagement à titre de porte-parole de la Société Alzheimer Rive-Sud, le comédien a été nommé Officier de l’Ordre national du Québec le 6 juin 2013.

Michel Dumont a dit : «J’ai la foi d’un Pygmalion : la statue est dans le marbre, on ne l'invente jamais. On a du talent ou on ne l'a pas. On ne peut pas donner du talent à quelqu'un. On peut donner à ce talent-là une envergure.»

Il a raison. Le talent est un don. Mais quelle extraordinaire envergure il a su lui donner!


Le 7 juin 2014
MICHEL DUMONT

Comédien, directeur artistique de la compagnie Jean-Duceppe
Pour une carrière exceptionnelle qui nous fait honneur

fut reçu membre de l’Ordre du Bleuet

***

vendredi 20 juin 2014

Michel Dumont sur vidéo au gala 2014


Quelques minutes pour se souvenir
d'un grand moment



Gala 2014 de l'Ordre du Bleuet
Michel Dumont

Réalisation Ariel Laforge
Texte Christiane Laforge
Lecteur Marc Bergeron


Commentaires de Michel Dumont et de Manon Bellemarre


Bonjour,

Michel et moi tenons à vous remercier pour votre accueil si chaleureux.  Nous avons passé une soirée mémorable, avons fait des rencontres très agréables et avons vraiment apprécié connaître le parcours des membres par les biais des diaporamas et des très beaux textes.

Michel a été profondément honoré et touché.  C'est toujours étonnant et bouleversant de voir une carrière résumée exhaustivement et de si belle façon.  Cette soirée a aussi permis à Michel de retrouver parents et amis avec un réel bonheur.

Nous vous remercions encore une fois et souhaitons longue vie à l'Ordre du bleuet.

Au plaisir


Manon Bellemarre et Michel Dumont.



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POURQUOI L'ORDRE DU BLEUET

L'intensité et la qualité de la vie culturelle et artistique au Saguenay-Lac-Saint-Jean est reconnue bien au-delà de nos frontières. Nos artistes, par leur talent, sont devenus les ambassadeurs d'une terre féconde où cohabitent avec succès toutes les disciplines artistiques. Cet extraordinaire héritage nous le devons à de nombreuses personnes qui ont contribué à l'éclosion, à la formation et au rayonnement de nos artistes et créateurs. La Société de l'Ordre du Bleuet a été fondée pour leurs rendre hommage.La grandeur d'une société se mesure par la diversité et la qualité de ses institutions culturelles. Mais et surtout par sa volonté à reconnaître l'excellence du parcours de ceux et celles qui en sont issus.